Les vents de l'épreuve

Kama Kamanda est africain, c'est-à-dire qu'il a l'épopée au bout de la langue. Il souffle, il interpelle et les mots viennent en foule. Foule violente : elle danse et elle est nue. Elle danse et chante rythmiquement en frappant dans ses mains d'une façon régulière. Singulier poète que celui-là qui, pour libérer ses fureurs, qui sont nombreuses et prégnantes, use du mètre.

Le mètre de Kama Kamanda n'est pas mètre : il est kilomètre. C'est une poésie lente et longue que la sienne qui dit inlassablement la même chose, les mêmes choses : l'exaltation et le malheur d'être, qui sont l'une à l'autre miroir ; la foi pourtant et telle quête étrangement platonicienne de l'amour, amer, amour que brûle un sang mal maîtrisé et qui souffle et se déchaîne - malgré une volonté de pudeur - dans des râles désespérés d'agonisant, un agonisant bien en vie cependant et qui n'accepte pas l'injustice subie et mal soufferte, et qui dit de tous ses mots bandés - bandés, c'est-à-dire tendus, et secrètement blessés sous le linge - qui dit : non.

Non, dit Kama Kamanda, à sa difficulté d'être : celle d'un homme déchiré par deux cultures, à cheval sur deux continents et plusieurs langues, un homme pourtant avide, comme chacun de nous et plus particulièrement le poète, d'une noce enfin advenue entre le coeur et le monde, entre le désir et son accomplissement, entre l'image qui permet de respirer et l'étouffante pesanteur de ce qui est. A cet homme, la poésie est la seule boussole possible dans la forêt de ses contradictions, dans la forêt de toute vie, laquelle est toujours, avant la réduction promise par le feu, un fouillis de contradictions inextricables.

Salah Stétié