Nietzsche

«Il ne s'agit pas ici d'une réédition mais d'une véritable résurrection», écrit Michel Trebitsch préfacié de ce livre. Achevé d'imprimer le 18 mai 1939, la diffusion de cet ouvrage est d'abord bloquée dès l'automne et la drôle de guerre par les mesures prises à l'encontre du Parti communiste, puis saisi et pilonné, début 1940, à la suite de la suppression des éditions communistes par le gouvernement Daladier. Cet ouvrage si peu lu connaît, paradoxalement, une «fortune critique» puisqu'il figure en bonne place dans la liste imposante des études d'après-guerre sur la réception de Nietzsche en France. À la veille de la guerre, l'objectif éminemment politique de Lefebvre est d'arracher Nietzsche aux fascistes. Il se retrouve dans ce combat en compagnie de Georges Bataille, mais aussi, hors de France, de Karl Löwith et Karl Jaspers. Cependant, si Lefebvre combat les interprétations nazies de Nietzsche, il ne cache pas pour autant les ambiguïtés du discours nietzschéen, notamment la définition du «mythe» que ces derniers cherchent à utiliser.

Il ne cache pas non plus les limites de la pensée nietzschéenne: «En un sens, l'oeuvre de Nietzsche reste exaltante et stimulante, parce qu'elle a poussé jusqu'au paroxysme toutes les contradictions spirituelles du monde moderne; parce qu'elle rend intenable la situation et oblige à en sortir. Nietzsche n'en est pas sorti. Sa destinée montre ce qui attend un esprit avide de justice et de vérité, lorsqu'il ne tient pas le «fil conducteur» qui permet non seulement de comprendre le monde -de l'interpréter ou de le justifier - mais d'agir pour le transformer. D'ailleurs, on ne le comprend qu'en participant à l'action qui le transforme!» (Henri Lefebvre)

Aujourd'hui, nulle nécessité d'aller fouiller les rayons de quelques bibliothèques ou les tréfonds de quelques librairies d'occasion pour retrouver ce Frédéric Nietzsche: il est ressuscité.